| Accueil | Créer un blog | Accès membres | Tous les blogs | Meetic 3 jours gratuit | Meetic Affinity 3 jours gratuit | Rainbow's Lips | Badoo |
newsletter de vip-blog.com S'inscrireSe désinscrire
http://blognotes.vip-blog.com


Blog Notes
VIP Board
Blog express
Messages audio
Video Blog
Flux RSS

Blog Notes

VIP-Blog de blognotes
  • 26 articles publiés
  • 0 commentaire posté
  • 1 visiteur aujourd'hui
  • Créé le : 12/01/2014 12:44
    Modifié : 27/02/2016 11:31

    Fille (40 ans)
    Origine : Lyon
    Contact
    Favori
    Faire connaître ce blog
    Newsletter de ce blog

     Octobre  2025 
    Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
    29300102030405
    06070809101112
    13141516171819
    20212223242526
    272829300102

    22/06/2014 17:28



     

    Chapitre I  Adelphin dans ses grolles

     

     

    Le Comte Adelphin de Beaumashin passait une chemise blanche devant son Mirophar-Brot qui resplendissait de feux convergents. Il y avait ce soir-là grand raout chez la Baronne de Pyssenlied et Adelphin, désireux de paraître à son avantage, avait fait préparer par Dunoeud, le valet modèle, son frac numéro un, qu'il n'endossait que dans des circonstances exceptionnelles. L'habit gisait, bleu nuit, sur le pied du large divan recouvert d'une peau d'ours de Barbarie achetée par Adelphin lors d'un voyage de découverte en République d'Andorre. Les revers de soie mate luisaient d'un doux éclat et la ganse du pantalon au pli impeccable tranchait dans toute sa longueur le fourreau guibollaire prêt à être passé. Dunoeud n'avait point oublié le leger papillon d'une virginité entière dont la pose prochaine allait parachever la perfection d'une toilette savamment comprise dans sa recherche qui n'excluait pas cette presque simplicité tolérable seulement chez les individus solidement constitués et les mal bâtis au portefeuille abondant.

    C'est ainsi qu'Adelphin mettait des souliers jaunes.

     

     

     

    Chapitre II  Le jaune est une couleur

     

     

    Platon, dans un pamphlet resté fameux paru vers 1792, formule en quelques phrases bien pensées sa conception de l'univers. Il se résume pour lui à l'écran d'une espèce de cinéma sur lequel se projettent des ombres animées que d'aucuns prennent pour réalité quand la réalité se trouve en réalité derrière eux. Partant d'une idée analogue, Adelphin s'était dit: pourquoi pas des souliers jaunes si je ne me montre qu'à contre-jour? Il avait donc décidé de ne se montrer qu'à contre-jour, tâche relativement aisée si l'on réfléchit que, sous nos latitudes, elle est facilitée la moitié du temps par l'absence de jour, que l'on appelle communément la nuit, phénomène au cours duquel le jour et le contre-jour se rejoignent avec régularité. D'ailleurs les souliers, quoique jaunes, étaient parfaitement adéquates à l'ensemble de la tenue du Comte, qui posait sur sa chevelure rousse une casquette grise à pois mauves et s'enveloppait d'une ample cape de velours cramoisi (à l'intérieur) soutachée d'herminette et de besaiguë, et doublée extérieurement des milliers de draps noirs formant la matière constitutive des milliers de capes noires, qui, le soir, voltigent à quelques pouces des omoplates de milliers d'hommes du monde. Sous sa cape de drap noir (et, à l'intérieur, de velours cramoisi) Adelphin portait beau. Ainsi, saisissant une canne à pommeau de bruyère culottée électriquement il se baissa d'un coup sec et ramena du fin fond d'un recoin subpajotique le bouton de col qui lui avait échappé comme il se déshabillait deux jours auparavant.

     

     

     

    Boris Vian, Trouble dans les Andains, Extraits.






    19/04/2014 13:07








    19/04/2014 13:07








    19/04/2014 13:06



     

    Il a dévalé la colline

    Ses pas faisaient rouler les pierres

    Là-haut entre les quatre murs

    La sirène chantait sans joie.

     

     

    Il respirait l'odeur des arbres

    Avec son corps comme une forge

    La lumière l'accompagnait

    Et lui faisait danser son ombre

     

     

    Pourvu qu'ils me laissent le temps

    Il sautait à travers les herbes

    Il a cueilli deux feuilles jaunes

    Gorgées de sève et de soleil

     

     

    Les canons d'acier bleu crachaient

    De courtes flammes de feu sec

    Pourvu qu'ils me laissent le temps

    Il est arrivé près de l'eau

     

     

    Il y a plongé son visage

    Il riait de joie il a bu

    Pourvu qu'ils me laissent le temps

    Il s'est relevé pour sauter

     

     

    Pourvu qu'ils me laissent le temps

    Une abeille de cuivre chaud

    L'a foudroyé sur l'autre rive

    Le sang et l'eau se sont mêlés

     

     

    Il avait eu le temps de voir

    Le temps de boire à ce ruisseau

    Le temps de porter à sa bouche

    Deux feuilles gorgées de soleil

     

     

    Le temps d'atteindre l'autre rive

    Le temps de rire aux assassins

    Le temps de courir vers la femme

     

     

    Il avait eu le temps de vivre.

     

     

     

    Boris Vian, Chansons et poèmes, L'évadé.






    19/04/2014 12:53








    Début | Page précédente | 1 2 3 4 5 6 | Page suivante | Fin
    [ Annuaire | VIP-Site | Charte | Admin | Contact blognotes ]

    © VIP Blog - Signaler un abus